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Regards d'hier et d'aujourd'hui
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10 juin 2010

La dérive

Juin_2010_038

Il y a ceux qui oublient le difficile en s'amusant dans des soirées, riant et s'éclatant entre amis. J'ai juste besoin de feuilles: feuillages, pages, carnets secrets ou petits mots à partager,  feuilles de routes à expérimenter, ou encore: lettres, cartes routières, livres ou fichiers word. Paysages, jardins, papier d'aquarelle, photos. Toute feuille est une ressource.

Je voudrais tirer le rideau pour deux jours, ne plus penser à mon travail auprès des enfants, mais il en est un qui me poursuit plus que les autres. Il vient hanter mes nuits, et je me réveille le cœur battant. Bientôt 3 ans qu'un enfant sauvage nous est arrivé, et s'il a appris à communiquer, à jouer, à dessiner, à savoir plus ou moins se prendre en charge, ses troubles multiples qui empirent le rendent imprévisible, incontrôlable, dangereux. Il s'attache à tout le monde et à personne, mais il est plus qu'odieux. Son avenir est une impasse, aucune autre structure ne peut l'accueillir dans la région plus de quelques heures par semaine. Aucune famille n'est trouvée pour le prendre en charge.

Hier j'ai réussi avec davantage de moments désastreux que de bons moments à le conduire du milieu de l'après-midi au coucher. Il a pu manger à mes côtés, j'ai évité qu'il poignarde celui-ci, qu'il attrape les plats bouillants, qu'il se "désintègre" en riant trop longtemps nerveusement, qu'il perturbe de trop le repas
des autres enfants présents à notre table, et qu'il interfère dans leur coucher.  Il a pu profiter d'une histoire, on a effacé le reste, ce qui avait pu se passer avant... Il n'a pas exigé toujours plus, Il a trouvé l'apaisement, le sommeil, mais que va t-il commettre  demain? Nous sommes à bout de ressources.

Je repasse dans ma tête l'histoire de Charly pour éviter de penser trop à lui, Charly victime de cet enfant mais qui jouit aujourd'hui d'une vie normale et évolue sereinement. J'ai écrit un long rapport sur Charly, les belles histoires sont agréables à écrire. Mais l'issue pour l'enfant sauvage est très improbable. De sauvage il est devenu "civilisé", mais invivable malgré tout. Agressivité, violence, cris, folie, interfèrent sans cesse avec des moments de concentration sur des activités et des instants quasi normaux mais passagers.
J'habille sans cesse mon cœur d'une sorte d'indifférence, d'une armure pour continuer dans le courant, mais je ne peux m'empêcher de l'imaginer parmi les fous après avoir commis quelque grave délit...Je puise dans mes ressources, dans ma patience mais jusqu'où, jusqu'à quand? Je ne sais pas pourquoi je suis amenée à gagner ma vie en épongeant la galère d'enfants en dérive, car si les autres ne sont pas à son stade, à y regarder de près leur vie est moche et leur avenir plus qu'incertain. Heureusement les impressions se partagent, les ras le bol s'écoutent entre collègues, les espoirs se diffusent. A chaque journée terminée je souffle, je fais l'inventaire du bon, du positif, de l'espoir. Et chaque jour est un autre présent.

Feuille

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Commentaires
2
C'est bien sur plus facile à dire qu'à faire, mais il te faut essayer de ne pas "faire l'éponge" avec tous ces problèmes.<br /> Imagine un médecin qui contracterait lui-même les maladies de ses patients pour les soigner...<br /> Quand tu es loin des enfants pense Nature, Feuille, pour te ressourcer...
C
pas plus tard qu'hier nous parlions en analyse de la pratique de tout ce que l'on pouvait apporter à ces enfants tellement hors du commun et de la part d'illusion qu'est la notre de vouloir leur donner une vie meilleure, comme une vraie vie, comme dans une famille "normale" alors que ce sera sans doute jamais cette réalité là..dur ...dur ...dur<br /> mais aussi la difficulté du travail quand il n'y a plus d'espoir, quand on se retrouve dans une impasse. oui pourquoi on a choisi de s'occuper de ces enfants là...moi je sais , c'est mon histoire qui m'a amené là sans doute parce qu'aussi peu de personnes ont envie de bosser avec eux!moi j'aime cette remise en question personnelle au quotidien, comment y arriver, que faire pour les aider...bref épuisant mais très enrichissant!<br /> je te comprends ....
P
Pas facile !!<br /> Ni d'aider les enfants, ni de supporter l'inadéquation des structures, ni de garder sa sérénité devant la répétition quotidienne de ces difficultés.<br /> Ce serait peut-être plus facile d'être ministre... <br /> Je suppose que tout ça te travaille d'autant que tu ne vois pas grand monde s'en préoccuper ( parmi les personnes qui chapeautent).<br /> Tirer le rideau est nécessaire, j'espère qu'il y aura du soleil de l'autre côté pour ces deux jours.
L
Je ne sais trop quoi dire après la lecture de ton post Cath. <br /> <br /> Je sais comme il est difficile de s'occuper d'enfants que l'on dit "normaux", il est forcément encore plus complexe d'accompagner des enfants à problèmes - graves - Si la structure avait plus de personnel, tu ne ressentirais pas tant l'agressivité, du moins le fait de se relayer permet de mieux arriver à contrôler ses émotions.<br /> <br /> Étonnant que ce petitou sauvageon n'est pas été aiguillé dans une structure plus adaptée. Ce n'est bon ni pour vous, ni pour l'enfant, ce n'est pas normal que cela te bouffe la vie autant. Ceci même si nous savons qu'il ne suffit pas de claquer la porte pour arriver à tout oublier.<br /> <br /> Je ne peux que te souhaiter d'arriver à retrouver un équilibre, notamment par le contact avec la terre que ce soit en la travaillant ou en l'observant, te vider l'esprit par ce luxe que nous avons de pouvoir écrire, peindre tu as la chance de savoir, et profiter de ta famille autant que tu le peux, c'est important. <br /> <br /> Toutes mes pensées t'accompagnent ma p'tite feuille, sache qu'aller danser et faire la fête il y a longtemps que ce monde là est loin, bien loin derrière moi... par choix, par goût, surtout parce que ça n'a participé qu'à accélérer il y a 20 ans une dégringolade annoncée le jour où les lumières se sont éteintes, les amitiés factices volatilisées ;)<br /> <br /> Je t'embrasse fort. <br /> Nathalie.
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