Nos autres vies
Quel est cet autre qui demeure en nous, vaguement, par éclipses, ou au contraire avec insistance? Cela me fascine depuis toujours: quel statut donnons-nous, chacun, à ce qui somnole en nous, à ce que nous aurions voulu, pu, dû peut-être devenir, mais que nous ne sommes pas devenus? Un regret? Un remord? Un évènement parfaitement fortuit, une rencontre amoureuse imprévue par exemple, suffit à faire bifurquer une vie, mais la vie rêvée, mais la vie de cœur, qu'en est-il? (...)
Pour pouvoir porter le poids de sa curieuse vie de couple, pour tenir, Jean Dalbuges doit bien s'en évader de temps à autre, une part intime et secrète de lui-même travaillant sans doute son imaginaire. Nous partageons tous peu ou prou ce sentiment, avec les virtualités, le potentiel que nous avons et gardons en nous, jamais réalisé, ou alors discrètement ou de façon détournée (par exemple en nous adonnant à quelques violon d'Ingres). Et si les circonstances eussent été différentes? "La trace d'un rêve, écrivait joliment Georges Duby, n'est pas moins réelle que celle d'un pas".
Poétique du village, rencontres en Margeride (Martin de la Soudière)